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— Signor, me dit-il, j’ai dit la vérité, parce que don Gaetano doit savoir à qui il doit la vie et la conservation de son trésor. Il est heureux pour lui, que vous et moi nous nous soyons trouvés ici ! Mais autrement, signor, à Nuoro, par exemple, il est inutile de nous vanter de ce que nous avons fait, parce que, si Sa Seigneurie connaissait notre pays, elle saurait qu’il est très dangereux de contrarier certaines gens. Dans le cas où don Gaetano voudrait reconnaitre le service qu’il me doit, — j’ai peur qu’il ne le fasse pas, car il est trop ladre ; — dans ce cas, j’accepterais, sans doute ; mais sans en rien dire à âme qui vive, et si l’on m’interroge sur ce qui s’est passé, je dirai que je couchais dans le village et que je n’ai rien vu. Nous ne savons pas, signor, qui nous pouvons rencontrer demain ; peut-être, celui qui nous ferait des questions là-dessus saurait-il mieux les choses que personne. Il est donc prudent de ne rien dire.

— En ce cas, lui objectai-je, vous n’auriez pas dû, tout à l’heure, tant appuyer sur vos exploits.

— C’était pour don Gaetano, signor, pour lui seul ! — Mais là-dessus, ajouta Cabizudu avec un remarquable sens philosophique, je suis bien tranquille. Ce ne sont pas les gens qu’on a obligés qui feront jamais votre éloge, et je sais bien que don Gaetano racontera l’affaire en parlant de la part qu’il y a prise, peut-être un peu de la vôtre, signor, mais sans penser à moi. Et de même, Cocco, cet imbécile que j’ai eu tant de peine à tirer après moi, se vantera bien plutôt d’y être allé tout seul. Non, non, je n’ai rien à craindre réellement, sinon la justice que voudrait me rendre Votre Seigneurie. Mais il vaut mieux qu’on croie que ni elle ni moi nous n’y étions.

— Auriez-vous reconnu quelqu’un ? lui demandai-je ; car j’avais moi-même des soupçons, que sa réponse eût pu confirmer.

— Non, signor, non ! s’écria-t-il, avec une sorte d’effroi ; non, non ! je n’ai reconnu per-