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son bonnet, geste dont la cause était autre qu’une simple préoccupation. Il souriait, et je voyais bien qu’il triomphait de sa supériorité, pour m’avoir entendu soutenir cette sottise qu’il fallait fumer les terres ! Il daigna me dire que certains du pays en avaient essayé, et qu’ils avaient observé que cela faisait pousser les mauvaises herbes. On ne salissait pas la terre comme ça, en Sardaigne ! non, non ! Don Effisio avait eu aussi cette idée de faire comme l’entend Sa Seigneurie ; mais il y avait renoncé, car il avait bien vu que ça lui aurait fait grand tort dans le pays.

Le fait était vrai, et je le savais déjà par Effisio, qui m’avait dit à ce propos : — Après mon mariage avec Grazia, j’oserai ce qu’il faut faire et je me ferai payer par la municipalité ; — elle offre pour cela 1, 000 fr. par an — pour enlever ces fumiers, qui tripleront la fertilité de mes terres. Mais jusque-là je dois attendre. On m’accuse déjà d’avoir pris les idées des étrangers.

Don Gaetano, l’estimable vicario de X…, fut charmé de me voir de retour de Rome, et j’eus à subir une longue série de questions, dont aucune de théologie.

— Bah ! me dit-il, j’irais bien aussi moi, là-bas ; j’en ai été souvent tenté ; mais comme il faut avoir un congé et qu’on ne peut y aller incognito, ça m’ennuie toutes les génuflexions et les momeries à faire. Nous sommes Sardes, nous autres, et non point Romains.

Nous nous absorbâmes ensuite dans sa bibliothèque, et, après un souper copieux, qui se prolongea fort tard, nous allâmes nous coucher.

Mon hôte avait décidément fait un peu trop violence à ma sobriété ordinaire : je ne pus dormir. J’entendis sonner minuit, puis une heure.

Il faisait très-chaud, et je regrettai que don Gaetano m’eût prié, en m’accompagnant à ma chambre, de ne point laisser ma fenêtre ouverte, de peur du mauvais air.