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de se défier de l’aïeule. Elle trouva les visites d’Effisio trop fréquentes. Il est vrai qu’elles le devenaient de plus en plus. Un jour, don Antonio vint chez son jeune parent :

— Nous avons à causer, dit-il ; il paraît que tu aimes toujours Grazia ?

Effisio en convint avec empressement.

— C’est bien, mon garçon ! je n’en suis pas fâché ; je ne suis pas de l’avis de ma vieille mère que Grazia ne devrait pas se remarier, parce qu’elle a eu son mari assassiné, et que la justice empêche qu’elle charge un nouvel époux de sa vengeance… Non, ces idées-là, c’est du vieux temps. Grazia n’a que vingt ans et six mois, pas d’enfants ; il est bon qu’elle se remarie. Tu n’es pas riche, c’est vrai, et je ne crois pas à tes petites histoires des merveilles que l’on peut faire avec des arbres et de sale fumier. Ce sont là des idées que ton ami, le Français, t’a mises dans la tête ; mais la terre est la terre, et l’on n’en tirera rien de plus que ce qu’elle peut donner. Laissons ça ! Grazia a tant pleuré pour épouser l’autre que je ne veux plus m’en mêler ; car je suis bon père, moi ! Qu’elle choisisse celui qu’elle préfère, toi, ou Pietro de Murgia. Mais à une condition, c’est que les lois de l’honneur seront remplies. Nous avons juré sur le cadavre d’Antioco de le venger de son meurtrier ; c’est un devoir sacré ! et nous serions tous des lâches, si notre serment n’était pas tenu. C’est à l’époux de Grazia qu’il appartient de venger Antioco, puisque celui-ci n’a pas de frères. Es-tu bien décidé à remplir ce devoir, si le cas se présentait ?

— Mais, oncle, dit Effisio, péniblement surpris, puisque Nieddu est aux mains des juges, cette vengeance ne peut plus être accomplie par nous. Il est donc inutile…

— C’est plus utile que tu ne penses, et que je ne pensais aussi ; car j’avoue que je ne m’en occupais plus de cette vendetta, puisque ces maudits juges nous l’ont arrachée des mains. Mais Pietro de Murgia m’y a fait songer, lui ;