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ment, son premier abord était sévère et froid, comme si pendant notre absence elle se fût reproché la fréquence de nos visites, le plaisir qu’elle y trouvait et se fut proposé d’y mettre un terme ; peu à peu, cependant, l’entretien s’animait, et la pauvre enfant, emportée par son cœur et par sa jeunesse, oubliant les malheurs qui l’avaient frappée, et ne voyant plus que l’homme qu’elle aimait, laissait échapper des sourires, des regards expressifs et des paroles, qu’elle devait encore se reprocher plus tard.

Effisio s’affligeait de mon départ, et moi je le traitais d’égoïste et d’exploiteur, en lui soutenant que ce n’était pas pour moi-même qu’il me regrettait. Cependant, j’étais bien tranquille : ils sauraient s’arranger, s’entendre sans moi.

Bientôt après, j’étais à Rome, c’est-à-dire dans un autre monde, le cœur tout plein encore de ceux que j’avais quittés.


XV

Ils ne furent point oubliés. Au milieu des magies de la ville éternelle, où je sondais à chaque pas les corruptions superposées de deux civilisations également monstrueuses, le souvenir des populations primitives que j’avais trouvées en Sardaigne, des amis que J’y avais laissés, me revenait souvent au cœur. Effisio tint sa parole de m’écrire fréquemment, n’avait-il pas à me parler de Grazia, dont il ne voulait parler à nul autre ? Il me disait dans sa seconde lettre :

« … Oui, mon ami, tu as raison de m’appeler égoïste ; car, au lieu de jouir des plaisirs artistiques que tu goûtes à Rome, je voudrais… non ! Je ne voudrais pas te rappeler près de moi ; mais je ne puis m’empêcher de te désirer ici. J’aurais tant à te