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leur a rien fait, à eux ; nous n’avons fait du mal qu’à ceux qui nous en ont fait. Oh ! Fedele ! Fedele !… Dites-moi, signor, je vous en supplie, comment je pourrais le délivrer ?

Je lui conseillai d’aller trouver un avocat, et lui indiquai celui qui me paraissait le plus intelligent ; puis je l’engageai fortement à la prudence et à retourner chez elle, car il était inutile de rester là.

L’espoir qu’en s’accusant elle pourrait sauver Nieddu, je n’eus pas le courage de le lui ôter. Elle me remercia et condescendit à suivre mes conseils. Pauvre fille ! J’étais le seul qui osât lui témoigner de la pitié. Ce qui, d’ailleurs, n’était pas sans me causer quelque malaise, vu mes relations avec la famille de la victime.

Si l’arrestation de Nieddu fit grand honneur aux carabiniers, ce fut plutôt une déception qu’en éprouvèrent les familles de Ribas et Tolugheddu. La vengeance échappait de leurs mains pour passer dans celles de la justice, et ils se sentaient frustrés dans leurs droits, offensés dans leur sentiment. Pietro de Murgia n’en put cacher son dépit et, poussé par lui, de Ribas fit entendre publiquement ses regrets, disant qu’il payerait volontiers pour faire échapper le prisonnier ; qui devait périr par un fusil sarde et non pas aller vivre au bagne. Ce fut à cette occasion que je commençai d’observer l’empire que prenait de Murgia sur l’esprit de don Antonio. On les voyait souvent au café, où c’était Pietro qui payait, avec une libéralité dont on cherchait la source, car il était pauvre. Ils allaient aussi fréquemment à la chasse ensemble, et don Antonio ramenait alors chez lui son compagnon et le faisait manger à sa table. De son côté, Pietro remettait à dona Francesca tout le gibier tué par lui. Leurs relations, en un mot, prenaient les apparences d’une étroite amitié, et pour qui connaissait le caractère de don Antonio, il était facile de penser que Pietro de