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rasser. Pendant ce temps-là, à quoi croyez-vous qu’étaient occupés les deux autres compagnons ? — À venir à bout de la fille, qui avait sauté sur le fusil, et se débattait comme une lionne. Et ils n’étaient pas trop de deux ! Quelle endiablée !… Quand le Nieddu a été garrotté, nous lui avons dit à elle de s’en aller, et de nous laisser tranquilles ; car elle nous rompait la tête de tout un chapelet d’injures qu’elle a dans le gosier ; mais elle a répondu qu’elle ne quitterait point son fiancé. Pour lui faire peur, Simeone l’a couchée en joue. Elle n’a pas bronché.

— Vous pouvez me tuer, nous a-t-elle dit, race de chiens de chasse. — Elle nous appelait comme ça ! Et ce qu’il y a de plus fort, c’est nous qu’elle traite de brigands ! — Vous pouvez me tuer, a-t-elle répété, je ne le quitterai point.

— Et elle est restée là tout le temps qu’on est allé à Orgosolos chercher une charrette, parlant à Nieddu dans leur diable de langage que je ne peux pas comprendre encore, et le regardant avec des yeux ! Eh !… Puis, elle a suivi la charrette toute seule, à pied, que ça en faisait pitié malgré tout, et toujours nous écrasant de sottises. Une fois, le brigadier a tiré son sabre :

— Veux-tu te taire, coquine ! lui a-t-il dit en roulant des yeux et en ayant l’air de vouloir lui trancher la tête. — Croyez-vous qu’elle s’est sauvée ? Elle a haussé les épaules tout tranquillement.

— Pourquoi ne la met-on pas aussi en prison, cette canaille-là ? dit un gros bourgeois. C’est elle qui a fait tuer ce pauvre Antioco. Nieddu n’a été que son instrument.

— On ne nous a pas donné l’ordre de l’arrêter, répondit le carabinier.

Il y eut alors une discussion sur les causes et les effets, et les distinctions à faire, dans laquelle le bourgeois et le carabinier répandirent ces aphorismes et ces clartés, qui distinguent leurs professions respectives.