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partir, mais n’osait rien objecter. Il était plein, me disait-il ; de reconnaissance pour le temps que je lui avais consacré, mais il sentait ne pouvoir m’en demander davantage, sans dépasser les droits de l’amitié. Je lui promis de revenir le voir, de Civita-Vecchia, avant de quitter l’Italie, et nous rentrâmes à Nuoro, mélancoliques malgré tout de cette séparation prochaine. Pourtant, je ne devais point partir avant dix jours.

Nous allâmes au café pour entendre parler de l’arrestation de Nieddu. C’était la grande nouvelle. Deux des carabiniers, qui en étaient les auteurs, étaient venus goûter leur triomphe, et certains amis des Tolugheddu et des Ribas se disputaient le plaisir de leur offrir des rafraichissements. Ces carabiniers racontaient qu’ils avaient eu l’idée de filer Raimonda, bien certains qu’elle ne resterait pas longtemps sans aller voir son amant. Pendant huit jours, ils l’avaient fait épier, l’avaient suivie de loin ; enfin, ayant su par leur agent, en quel endroit à peu près elle s’était arrêtée, ils s’étaient avancés, à quatre, de divers côtés, et les deux amants étaient si absorbés-cela se disait avec des rires qu’on avait pu les apercevoir avant qu’ils eussent pris l’éveil.

— Ça faisait, ma foi, un joli tableau ! déclarait le carabinier. Le gars était appuyé le dos contre la roche, qui faisait comme une voûte au-dessus d’eux ; elle était dans ses bras, à demi affaissée sur lui, comme si auparavant elle se fut mise à genoux, et ils s’embrassaient !… que c’était pitié de les déranger !

— Il fallait attendre ! dit un loustic.

Et ce fut une explosion de rires.

— Le fusil était tombé par terre, ce qui a sans doute sauvé la vie à l’un de nous. Tous ensemble, nous nous précipitons… Il veut se relever ; mais la fille appuyée sur lui l’en empêche, et quand il a pu se dégager, il est trop tard. Déjà, le brigadier le tient par les épaules. Je lui saisis la gorge ; nous avons eu un mal du diable à le ter-