Page:Leo - Grazia.djvu/303

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Mieux vaut pour ce malheureux qu’il soit tombé entre les mains de la justice qu’en celles de Pietro de Murgia. Le jury de ce pays est indulgent pour des crimes qu’il comprend trop bien. Il acquitte souvent, sur le moindre doute, et ne condamne jamais à mort.

Puis, il revint à me parler de Grazia. La glace était rompue, et il ne pouvait s’arrêter.

— Quand on aime ainsi, lui dis-je, il faut travailler de toutes ses forces à atteindre le but désiré. Prends les devants cette fois ; parle à de Ribas le plutôt possible ; parle de même à Grazia.

— Ils seraient blessés, me dit-il, elle surtout, sans doute, si j’osais formuler ma demande avant plusieurs mois. C’était seulement au nom de la vengeance qu’on eût pu se présenter sur l’heure. L’amour a moins de droits.

— Alors, que vas-tu faire ?

— Attendre, en surveillant ce qui se passera autour d’elle, et en trouvant un peu de patience dans le bonheur de la voir. Pour cela, je chercherai des prétextes. Elle sera gardée moins jalousement qu’autrefois. Ce qui veut dire que tu renonces à me suivre ?

— Crois-tu, me dit-il, en me jetant avec un sourire, un regard où brillait joyeuse la flamme de la passion, crois-tu, que je veuille maintenant passer la mer ? Mais es-tu donc si pressé de me quitter ?

— Je ne veux pas, moi, me marier à Nuoro, lui dis-je, souriant aussi. Puisque tu ne viens plus avec moi, j’irai à Rome passer l’hiver. Toi, plante des arbres fruitiers ; ce sera un prétexte pour aller souvent entretenir de Ribas de tes plans agricoles… aux heures où tu pourras le croire absent.

Nous convînmes que je lui ferais une commande chez un pépiniériste de Montpellier, que nous nous écririons souvent, qu’il me rendrait compte de ses soucis comme de ses bonheurs. Effisio était affligé de me voir