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Oui ! sa famille tout entière jure de le venger !

Elle étendit la main sur le corps. Il y eut explosion de cris. Des hommes, des femmes s’élancèrent et vinrent aussi tendre leurs bras par dessus la bière. On étouffait de plus en plus, et il me semblait que l’odeur du sang m’importunait les narines.

On cria : Les parents ! les parents !

Et je vis Grazia, sa mère, et la mère d’Antioco s’approcher pour jurer aussi. Effisedda était près de moi ; je voulus la retenir ; mais elle me regarda d’un air indigné et superbe, et alla se joindre aux siens.

— Antioco ! dit Grazia, puisqu’il n’y a plus qu’une manière de t’aimer et de te servir dans la tombe, ton épouse jure de se consacrer à ta vengeance !

La petite Effisedda prit la parole à son tour :

— Antioco, dit-elle, tu étais pour moi un bon frère ! Jusqu’à ce que tu sois vengé, je crierai : Vengeance !… et si je puis frapper ton meurtrier, ne fût-ce qu’avec une pierre, je le ferai !

Ce fut une contagion : l’enfant avait donné la mesure dans laquelle tous pouvaient s’associer à la vengeance. En ce moment, si la présence de Nieddu eût été signalée dans Oliena, il fût mort lapidé. On se précipita de tous les coins de la chambre, hommes, femmes, enfants, sur le mort et là, debout, pressés autour de la bière, gémissant, hurlant, ils tendirent tous leurs mains, et toutes les voix jurèrent… L’Effisia, au chevet du cercueil, une main levée en l’air, rayonnait d’une joie terrible, et ces deux visages qui dominaient la scène, celui de cette Pythie de la tradition vengeresse et celui du mort, s’ajoutaient en quelque sorte l’un à l’autre, et n’étaient pas moins effrayants l’un que l’autre ; car on sentait que, une fois le mort caché sous la terre, la Pythie resterait, âme implacable de la vendetta.

Seuls, Effisio et moi, nous étions restés à notre place. J’étais, il faut le dire, plus ému qu’indigné. La nature humaine est