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une histoire vieille de cinquante ans ; mais le passé enseigne le présent ; écoutez-la :

« Une jeune fille des Tolugheddu, Rita, était belle, et elle était fière de sa beauté. Un jour au bal, un Sollai, fils d’une Nieddu, l’aborde ; il était lourd et petit ; elle ne voulut point danser avec lui. Humilié de ce refus, il ne quitta point la salle, afin de voir si elle accepterait les offres d’un autre. Rita prit en effet la main de son beau cousin, Emilio Tolugheddu, et ils dansèrent ensemble. Alors le brutal vient trouver Rita, lui reproche ses dédains, et, portant la main sur elle, veut, au milieu même de la salle du bal, lui infliger la correction qu’on donne aux enfants. Au premier cri de Rita, Emilio accourt et le Sollai n’est plus qu’un cadavre. Mais aussitôt le cousin du mort, un Nieddu, se jette sur Emilio et le poignarde. Mario Tolugheddu venge son frère, et tombe à son tour sur les trois cadavres. Sept ainsi ! l’un après l’autre, s’entassèrent dans le bal funèbre. Mais celui qui tomba le dernier fut un Nieddu, et son vainqueur était un de notre maison, Gian-Battista Tolugbeddu, qui resta la dague à la main, toute ruisselante, et que nul n’osa toucher. Hélas ! que sa dague ne but-elle ce jour-là jusqu’à la dernière goutte du sang détesté, qui a fait naître l’assassin d’Antioco !

Elle se tut, les gémissements éclatèrent ; sous l’excitation de ces discours, ils avaient pris un accent nouveau. La haine y régnait désormais plus que la douleur et ils grondaient et rugissaient plus qu’ils ne pleuraient autour du mort, qui, dans son effrayante immobilité, les excitait en silence de son visage livide convulsé par l’horreur du crime et du meurtrier.

André Léo.

(À suivre.)