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Non ! non ! l’injure ne restera pas sans vengeance !… Fedele Nieddu, mes cheveux blancs, te maudissent !… Nos petits enfants te maudissent, Fedele Nieddu ! Et les hommes exécuteront l’arrêt des mères et des épouses ! Soit maudit !… Que ta mort soit cruelle !… Et qu’après ta mort tu souffres encore les tourments des meurtriers, toi qui nous as privés d’un fils !

Le chœur des pleureuses répondit par de longs gémissements, auxquels ceux des assistants se mêlèrent. Mais tout se tut, quand de nouveau s’éleva la voix de Maria-Angela Tolugheddu :

— C’était un bon fils ! il aimait sa mère ! Que de fois m’a-t-il dit : — Repose-toi, mère, tu prends trop de peine ; fais-toi servir maintenant. — Oh ! que ne puis-je te servir encore, mon fils ! mon cher fils ! Mais j’aurais beau, hélas ! té porter la minestra fumante, tu n’y planterais plus ta cuiller ! Tu ne porteras plus à tes lèvres ton grand verre, plein de vin d’Oliena. Oh ! se peut-il que mon fils ne soit plus vivant ? Que deviendrai-je, quand je n’entendrai plus son pas dans la maison vide ?… Oh ! quel homme eut dû vivre si ce n’était lui ! Quel mal avait-il fait ? Qu’il se lève, celui qui eut à se plaindre d’Antioco Tolugheddu ! Que celle qu’il avait épousée dise s’il ne fut pas un bon époux ?

Grazia se leva à cet appel, et d’une voix brisée, la main étendue sur le mort :

— Oui, tu fus un bon époux, Antioco. Tu m’aimais, et tu n’eus jamais pour moi une parole mauvaise. Je te rends hommage et te bénis ! Oh ! que ne t’ai-je donné plus de douceur et de joie, toi qui fus pour moi si tendre… et qui devais avoir une vie si courte et une mort si cruelle ! Pardonne-moi !… et reçois le vœu que mon cœur fait aujourd’hui de te remplacer dans ce lit funèbre. Vœu stérile, hélas ! Oui, maintenant, je voudrais donner ma vie pour te rendre la tienne !… Pauvre Antioco ! Crois-le ! crois-le ! Si les morts peuvent entrainer avec eux