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elle-même en sortir, laisse-la ! partons plutôt ; cela est fort raisonnable !

— Ne vois-tu pas, répliqua-t-il vivement, que l’arrestation de Nieddu a tout changé ? Puni par la justice, il ne peut plus l’être par d’autres moyens, Il ne sera plus question de vendetta, et bien que Grazia ne doive pas se remarier sans l’assentiment de sa famille, cependant, on tiendra, je l’espère, un peu plus compte de sa volonté. De Ribas a de l’amitié pour moi, et Pietro de Murgia n’eût été mon rival sérieux que pour le meurtre de Nieddu. Voilà pourquoi j’ai été si ému en apercevant ce prisonnier, pourquoi je le suis encore. C’est ma destinée qui vient de se décider !

— Tu l’aimes donc bien toujours ? dis-je en lui serrant la main, toi qui prétendais…

— Ah ! oui !… je l’aime ! murmura-t-il, oui ! je l’aime !… Ce que je t’ai dit en arrivant, je le croyais. Je croyais ne plus devoir aimer une amante flétrie par l’amour d’un autre : J’avais beau souffrir encore de l’affreuse blessure ; je me croyais en voie de guérir ; aujourd’hui encore, je donnerais des années de ma vie pour que ce mariage n’eût pas eu lieu ; mais si j’en éprouve de la rage, c’est une rage d’amour, de jalousie. J’ai souffert mille morts à la voir pleurer cet homme, et je l’aime plus que jamais !… Par moments, j’ose l’accuser, l’insulter presque ; il me prend contre elle d’immenses colères… et puis, tout cela tombe… non pas même sous son regard, puisque je ne la vois pas ; mais devant le seul rêve de son beau regard, de son doux visage, évoqués par mon souvenir !…

Il baissa la tête, accablé, somme un homme qui renonce à se défendre ; puis la releva bientôt après, tout éclairée de l’espoir qu’il venait de puiser dans la rencontre du prisonnier.

L’amour est égoïste. C’était au crime de Nieddu qu’Effisio devait que Grazia fût libre, et maintenant l’arrestation de Nieddu lui causait un espoir nouveau. Il sembla deviner ma pensée, car il me dit :