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était fort intelligente et avait beaucoup, profité de son séjour à Sassari. Sa tante eût bien voulu la garder à la ville et l’y marier près d’elle ; mais Grazia n’avait pas pu vivre loin de ses chères montagnes, et ses parents, orgueilleux d’elle, la voulaient également près d’eux. Elle aimait à lire, elle chantait bien, elle faisait de jolis ouvrages de main, et, avec cela, une excellente ménagère.

Au bout d’une heure de ce verbiage :

— Allons, lui dis-je, avouez tout bonnement que vous en êtes amoureux.

Le sommeil me gagnait et j’avais voulu terminer ainsi la conversation, mais j’oubliais qu’on ne se fait pas impunément confident d’amour. Je me sentis pressé, étouffé dans les bras de mon ami, des confidences intarissables sortirent de sa bouche, ou plutôt c’était toujours la même confidence, mais qui lui plaisait tant, qu’il la répétait sur tous les tons et la conjuguait sur tous les modes.

Eh bien ! oui, j’avais eu raison, il l’aimait. Il n’avait pas voulu jusque là se l’avouer à lui-même ; il n’était pas décidé à se marier, à passer la vie dans ces montagnes ; il avait eu peur d’éprouver des regrets plus tard, ayant goûté au monde et à des idées qui ne pénétraient guère dans la Gallura. Mais, après tout, que faire ailleurs ? Il avait vu combien il était difficile de conquérir une place dans la foule et combien la pauvreté est cruelle dans les villes. Et là-bas que de femmes trompeuses, tandis qu’ici rien de plus rare, au moins en de telles familles, que le déshonneur au foyer. Puis, aimer une autre que Grazia, vraiment, cela ne lui paraissait pas possible. Passer sa vie avec une autre, non ! ce serait une chaine insupportable, tandis qu’avec elle.

Son visage s’enflammait d’enthousiasme et il répétait :

— Vrai ? vous croyez qu’elle m’aime ?…

Assurément, rien n’est plus doux et plus réjouissant à l’âme que ces belles effusions d’amour ; aussi m’endormis-je le sourire aux