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laissait aller ; mais qu’aussitôt elle replaçait — on pouvait dire ainsi — sur ses lèvres, dès qu’une personne nouvelle s’approchait. Je saisis ce mot, dit par deux femmes dans un coin : — Elle ressemble à la Madonna de l’église et son sourire est de pierre aussi.

Antioco Tolugheddu, qui faisait les honneurs et se tenait près de sa fiancée, était rayonnant. Il ne voyait évidemment pas ce qui frappait tous les autres, la souffrance de Grazia ; car il était de ces gens à qui leurs propres impressions cachent celles d’autrui.

De Ribas n’était pas là ; dona Francesca souriait, avec sa placidité ordinaire, en s’occupant çà et là de mille détails. Le visage de l’aïeule était triomphant, et Effisedda regardait sa sœur, d’un petit air rêveur dont je lui sus gré.

Moi aussi, puisqu’il le fallait, j’allai murmurer à Grazia un compliment banal, après avoir serré la main d’Antioco. Elle m’accueillit avec son éternel sourire, son sourire de pierre ; je vis qu’elle ne m’avait pas reconnu, que j’étais pour elle un nombre, rien de plus, parmi tous ces fantômes qui passaient devant elle et qu’elle ne distinguait pas. Toutefois, comme je la quittais, le son de ma voix atteignit enfin son cœur endolori et se fit reconnaitre. Je la vis alors se troubler ; elle me jeta un regard qui me fit mal, et je compris qu’il eût été dangereux de lui parler de nouveau ; car je l’eusse fait pleurer. Elle se dominait à peine. Après avoir échangé quelques paroles avec les personnes de la maison, je partais, quand la vue d’un nouvel arrivant me fit frémir de la tête aux pieds : c’était Effisio.

Il fit le tour de la chambre, en saluant les personnes qui étaient là, de manière à éviter Antioco, placé entre la porte et Grazia ; puis, il alla s’asseoir près d’elle. Il souriait, vraiment, et d’un air qui ne lui était pas du tout ordinaire. Je m’approchai plein de crainte, ne sachant ce qui allait arriver.