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heur à la figure ? Quelle contenance avait-il tenue ? Qu’avait-il fait ? Pourquoi n’était-il pas venu chercher secours près de moi ? Où avait-il pu se rendre, ailleurs que dans l’asile de son foyer, où l’attendait un ami ?

Le suicide par amour n’est pas rare en Italie, Mais une ou deux fois nous avions traité ce sujet, Effisio et moi, et je n’avais point vu que ses dispositions pussent le porter de ce côté. Il était assurément très-gouverné par son imagination, par ses sentiments ; mais il avait au cœur un autre amour, un de ceux qui préservent l’âme d’une défaillance absolue ; il aimait la cause de la liberté, de l’humanité, et m’avait dit cette parole : — Tant qu’on peut mourir ou vivre pour un tel objet, le suicide n’est pas permis. Cependant, quand après mon retour à la maison, trois heures eurent sonné sans sans qu’il fat rentré, lui qui d’habitude craignait de me faire attendre, mon imagination devint incapable de s’arrêter sur la pente des conjectures fâcheuses, et je sortis de nouveau, ne pouvant plus supporter l’attente sur place.

Une chose assez peu raisonnable, mais certaine, c’est que la désespérance, loin d’éteindre l’amour d’Effisio pour Grazia, l’avait au contraire accru sans cesse. En ce jour de naufrage complet de toute illusion, de tout espoir, jusqu’où pouvait aller son exaltation ? J’étais donc vivement inquiet, sans pouvoir confier mon inquiétude à personne. Après avoir parcouru tout le reste de la ville, j’errai dans le quartier du Rosario, et, voyant entrer plusieurs personnes chez de Ribas, j’y entrai aussi. Les amis venaient apporter leurs félicitations. Dans la pièce commune, assise, tandis qu’allaient et venaient les autres femmes, était Grazia, parée de tous les bijoux de ses fiançailles. Elle était fort pâle de teint, avec de vives rougeurs au haut des joues. À ceux qui venaient la féliciter, elle ne répondait rien, et les accueillait tous avec le même sourire, que parfois elle