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garçon, qui, trois heures auparavant, nous exprimait ses terreurs. Puis Effisio me dit :

— Il faut ramener ici le char ; nous y poserons ce malheureux et nous nous bâterons vers Nuoro ; peut-être y a-t-il moyen de le rappeler à la vie ?

Je ne partageais pas cet espoir. Autant que dans la nuit j’en pouvais juger, le pauvre Pepeddo était bien mort. Néanmoins, je fis ce que demandait mon ami, et trouvai Cesare Siotto qui, gravement, sa canne en travers dans ses mains, se tenait à la tête des bœufs immobiles.

— Eh bien ! avais-je raison ? s’écria-t-il quand je lui eus appris la catastrophe.

Je lui proposai de se rendre le premier à Nuoro pour y porter la nouvelle et chercher un médecin, disant que j’emmènerais bien le char seul, et que nous suffirions ensuite, Effisio et moi, à la besogne. Mais il refusa dignement de se séparer de nous, alléguant qu’il pouvait y avoir encore du danger pour nous sur le lieu du crime, qu’il ne pouvait nous abandonner : et ce ne fut qu’après nous avoir aidés à poser le cadavre sur le char et être resté près de nous, jusqu’à l’embranchement des trois routes, qu’il nous devança pour aller quérir un médecin.

Il était alors dix heures ; presque toutes les maisons étaient fermées et l’on dormait chez le pauvre Cabizudu. Effisio fit déposer Peppedo dans sa maison, où le médecin accouru constata la mort.

— Ces balles-là ne manquent guère le cœur, dit-il.

Bientôt après, arrivèrent le commissaire de police, le syndic, le secrétaire communal, une foule de curieux Tout ce bruit, la rumeur dans la rue, les exclamations, éveillèrent les Cabizudu. Ce fut alors un spectacle déchirant : le père et la mère blêmes, gémissants, vinrent contempler avec désespoir le corps inanimé de leur futur gendre, et la belle Gavina, pâle, à peine vêtue, s’arracha les cheveux et se meurtrit la face, en appelant la