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Siotto. Il se colla à nous, me dit pour la centième fois : « Vous ne venez jamais au café », et me gasconna quelques mots français. Ce n’était pas sa conversation qui pouvait nous distraire, et elle nous empêchait de parler de la seule chose qui nous occupât l’esprit. Effisio sifflait d’impatience. Moi, je répondais par monosyllabes aux discours de Cesare, qui parlait comme une pie et croyait être très- aimable. Naturellement, il nous confiait ses amours.

— Mais vous, me dit-il enfin, est-il possible que vous n’ayiez pas une amourette, là ? On me le demandait l’autre jour, et j’ai dit que, sur l’honneur, je n’en savais rien. C’est comme don Effisio : Toto me soutient qu’il a eu des intentions pour la petite Grazia de Ribas. J’ai répondu : « Non ! Vous comprenez, je le saurais. Mais comment faites-vous tous deux pour vivre ainsi, sans flamme d’amour au cœur ?

— Nous avons la flamme de l’étude, que vous ne connaissez pas.

— Bah ! laissez donc ! Vous me faites passer un froid dans les os ; nous ne sommes plus au lycée, et ce que des hommes ont de mieux à faire…

— C’est de ne rien faire, n’est-ce pas ?

— Est-ce donc ne rien faire, mon cher, que d’aimer ? Ah !….

— Jolie façon d’aimer que d’avoir à la fois une maîtresse et une fiancée.

Il se mit à rire aux éclats, se croyant le plus charmant coquin du monde, et jurant qu’un homme de bon ton ne pouvait faire autrement.

André Léo.

(À suivre.)