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— Le voir ! le voir ! Ah !… Ne serait-ce pas tout, peut-être ?

Un pas se fit entendre au dehors.

— Agenouillez-vous ! lui dis-je, en la poussant vers la chaise ; pour moi je pars. J’emporte votre promesse. À une heure cette nuit, au jardin !

Et je m’éloignai rapidement, en faisant le tour de l’église, du côté opposé à la porte. C’était Effisedda, qui venait chercher sa sœur. Il faisait sombre. Je sortis avec précaution ; elle ne me vit pas.

Je revenais triste et, perplexe. La douleur de cette jeune fille et ses appréhensions m’avaient pénétré. Qui sait, en effet, me disais-je ? Un enlèvement, une rupture avec la famille, cela veut l’amour éternel. Existe-t-il ? Existera-t-il du moins entre ces deux êtres, bons, sincères, mais susceptibles de changer, comme toute notre espèce ? Et je me demandais si Effisio était bien, en sa qualité de Sarde, assez au-dessus des préjugés vulgaires pour ne pas, en effet, estimer moins son amante, par suite de la déconsidération injuste que l’opinion ferait peser sur elle seule ?

À mon arrivée, il courut vers moi, avec emportement. L’avais-je vue ? Pouvait-il espérer encore ? — Je lui dis tout ce qui s’était passé, que Grazia viendrait sans doute et qu’à mon sentiment, bien que cruellement combattue, elle l’aimait trop pour lui résister. Ses transports de joie m’interrompirent ; je les laissai s’épancher, et lui parlai sérieusement de ses devoirs envers une jeune fille, qui par amour se donnait à lui, sans défense et sans retour possible, sans aucune des garanties qui, dans les autres contrats, demeurent : la protection de la famille, une indépendance matérielle, l’honneur public. Il m’écouta, m’embrassa, me remercia ; son cœur débordait d’élans infinis. Il ne pouvait tenir en place, et j’eus peine à le faire asseoir à table, où, moi qui n’étais pas amoureux, la faim me poussait.