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— Laissez-moi ! répéta-t-elle ? Vous venez me tenter dans le saint lieu. Ah ! que vous me faites de mal ! Si vous saviez !… Ne m’accusez pas de ne pas l’aimer ! Je viens là tous les soirs demander à la sainte Madonna grâce et merci. Je prie, je pleure ; ma pauvre tête se fatigue ; la pensée m’emporte, et là, au pied de l’autel, en dépit de ma prière, je ne songe qu’à lui !… C’est à lui que je pensais tout à l’heure, quand vous êtes venu, sans m’apercevoir même de mon sacrilége…. Oh ! je suis perdue 1… Oui, mon père commet un grand péché. Mais je n’y puis rien, que prier pour que Dieu l’éclaire. Ne me tentez plus ! Tout ce que vous m’avez dit, je ne pourrai l’oublier, et je l’entendrai de nouveau quand je serai seule. J’ai tant de peine, hélas ! Oh ! que je suis malheureuse ! Oh ! je ne savais pas qu’on pût tant souffrir !…

Je n’osais toucher à sa religion, de peur de l’effrayer plus encore. Au fond, je la voyais sérieusement ébranlée ; mais ce n’était pas par le raisonnement, du moins en si peu de temps, qu’on pouvait convaincre un esprit si neuf, si peu cultivé. C’était l’amour seul qui pouvait saisir et emporter ses résolutions, dans ce débat cruel entre des affections rivales. Enfin, je l’avoue, ses touchantes prières me faisaient mal ; elles me rendaient perplexe, et j’aimais mieux laisser à Effisio toute la responsabilité, qui de droit lui appartenait :

— Grazia, dis-je, chère Grazia, je n’insiste plus que sur une chose : consentez à voir Effisio, à l’entendre ; soyez au jardin cette nuit. Il a besoin de vous voir, ne le désespérez pas ; vous déciderez tout dans cette entrevue. Il faut qu’il vous parle et vous ne pouvez lui refuser de l’entendre. Quant à moi, ce que je puis vous dire sûrement, c’est que, si vous suivez Effisio, je vous regarderai toujours comme une sœur, aussi fidèlement que si vous étiez fille de ma mère.

À peine entendit-elle ces derniers mots, qui valaient pour moi un serment ; elle balbutiait :