Page:Leo - Grazia.djvu/235

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tout me fut expliqué ; mais d’autres pouvaient venir, doués de bonnes oreilles ; les yeux seuls étaient de trop. Aussi me hâtai-je de reprendre ma négociation, de répéter avec plus de développement et d’insistance tout ce que j’avais dit déjà et de peindre la douleur d’Effisio, qu’un seul espoir soutenait encore. La pauvre fille s’était levée et se tenait debout près de moi, tournant le dos à l’autel, dans un état inexprimable. Elle ne m’imposait pas le silence ; elle ne me parlait point de sa réputation, qu’un tel tête-à-tête, en se prolongeant, pouvait compromettre ; ni même, en sa qualité de chrétienne, des convenances du lieu ; elle m’écoutait de son âme tout entière.

— Oh ! me dit-elle, que vous me faites de mal ! Depuis un mois, je travaille à accepter le devoir que m’a imposé la volonté de mon père ; et c’en est bien assez ! j’ai trop à faire, hélas ! avec mon propre cœur ! Pourquoi venez-vous tout renverser ainsi dans ma tête ? Si je n’ai plus le devoir, que deviendrai-je ?

— La femme d’Effisio.

Elle mit ses deux mains sur son visage et ne répondit pas tout de suite.

— Ce que vous me demandez de faire, dit-elle enfin, cela s’appelle dans le pays être une fille sans honneur, une coureuse, une maudite. Moi-même j’ai dit ainsi.

— Qu’importe ! si vous aviez tort. Vous défiez-vous de lui, de moi ? Je le renierais s’il manquait à ses devoirs envers vous.

— Une fille déshonorée !… Oh ! non ! non ! reprit-elle en frémissant. On dit que leurs amants eux-mêmes ne peuvent plus les aimer, alors !

— Effisio n’est pas de ceux-là. Il vous estimera comme auparavant et vous aimera davantage.

— Et ma famille ? Vous ne savez donc pas qu’ils en mourraient de honte, sinon de chagrin ? Jamais ! Jamais ! Laissez-moi !…

Je voulus reprendre la parole ; elle mit la main sur mon bras avec autorité :