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— Obéir à son père et à sa mère, est commandement de Dieu.

— Croiriez-vous devoir leur obéir, s’ils vous commandaient un meurtre ou une infamie ?

— Non, mais…

— Eh bien ! en vous commandant le mariage avec un homme que vous n’aimez, pas, ils vous commandent une infamie ; en vous ordonnant d’abandonner Efficio, ils vous commandent un meurtre.

Je n’étais pas sans jeter de temps en temps un coup d’œil sur la dévote ; je la voyais toujours immobile à sa place ; et cependant l’église était si petite que nos chuchotements devaient arriver jusqu’à elle. On l’eût prise pour un simulacre de la prière, si la coiffe blanche et le corsage écarlate de Nuoro eussent permis le moindre doute.

— Écoutez, dis-je encore à Grazia, qui, tremblante et torturée, ne répondait pas. Nicus vous demandons un nouvel examen de votre devoir. Effisio vous le demande ; il en a le droit. Vous ne pouvez refuser de l’entendre encore. Soyez cette nuit, à une heure, dans votre jardin.

— Le voir ! lui parler ! dit-elle ; oh ! non ! non ! Vous voulez me perdre ! Je ne puis pas ! Non, cela ne doit pas être !

Elle avait dit ces mots d’un timbre dont les vibrations éclataient, malgré l’étrangle- ment de sa voix. Effrayé de son imprudence je lui montrai notre compagne de l’église, mais cette dévote étonnante n’avait pas fait un mouvement. Je me sentais pris d’une ; estime sincère pour sa piété, quand je la vis se lever, faire sa génuflexion et sortir de l’église, sans avoir jeté un regard sur nous.

— Voilà un bel exemple de délicatesse et de discrétion, pensais-je, et je dis à Grazia, d’une voix toujours contenue, mais plus haute cependant, car nous étions seuls :

— Je crains que cette femme vous ait entendue.

— Rassurez-vous, me dit la jeune fille, elle est très sourde.