Page:Leo - Grazia.djvu/233

Cette page n’a pas encore été corrigée

maintenant ce n’était que mouvement et vibration dans cet être, tout à l’heure anéanti. Elle ne put me répondre que par un geste désespéré.

— Grazia, lui dis-je, vous ne comprenez ps votre devoir véritable ; c’est commettre un crime envers vous-même et un sacrilége que d’épouser un homme que vous n’aimez pas. Le mariage est une chose sacrée ; il n’est pas dans la loi ni dans le prêtre ; il est dans l’amour. Effisio seul est votre mari !

Les mains jointes de la pauvre enfant se crispèrent, et, tournant la tête à demi vers moi, elle me jeta ces paroles haletantes :

Oh ! taisez-vous ! Ayez pitié de moi ! C’est parce que j’ai pitié de vous que je veux vous épargner une vie de honte et de désespoir, Grazia I et de remords. Effisio ne peut vivre sans vous… il souffre mille tortures ! Il ne supportera pas votre mariage avec un autre, Est-il possible que, l’aimant, vous le condamniez à tant souffrir ?

La jeune fille s’affaissa sur ses genoux, en élevant son visage vers l’autel, — un visage de martyre tendu par la souffrance, — puis, se tournant vers moi, elle me regarda d’un air effaré, comme si, au sortir de l’extase mystique où un moment avant elle se trouvait plongée, elle m’eût pris pour le tentateur, revêtu d’une forme amie. Il est certain qu’au point de vue catholique, je pouvais passer pour jouer le rôle du diable ; mais telle n’était point ma conviction.

— Suis-je libre ? dit-elle enfin, vous savez bien que je ne le suis pas.

— Vous pouvez l’être. Effisio vous en a proposé le moyen ; acceptez-le et ne pensez pas mal faire. Croyez-moi bien, mon enfant, le plus grand mal en ce monde est de mentir aux autres et à soi-même.

— Abandonner mes parents, te serait un crime !

— Non, puisqu’ils vous ont mise contre eux dans le cas de légitime défense, en attaquant votre liberté et votre honneur.