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chagrin qu’il a de ses trop fortes impositions ; je viens vous demander de lui faire justice, afin qu’il reprenne courage et vie.

— Va te promener ! me cria-t-il ; si ton père est malade, c’est au médecin qu’il faut aller. Mais pour le dégrever, je n’y puis rien. Si je faisais qa, ils se mettraient tous après moi ; car il n’en manque pas d’autres dans le même cas. Les choses resteront comme elles, sont.

« Mon père mourut. La veille de sa mort, il avait dit : — Simone Sini ! Simone Sini ! j’ai des fils ; je te les laisse — Et le jour des funérailles, ma mère appela vengeance sur tous ceux qui avaient été cause de la mort de mon père, et nomma Simone Sini.

Après avoir conduit mon père au cimetière je revins à la maison charger mon fusil ; puis, en plein jour, sans me cacher, j’allai sur la route d’Oliena attendre le syndic. Il avait un jardin de ce côté, où il se rendait chaque soir, vers quatre heures. Et quand il vint et qu’il passa devant moi, je lui dis :

— Simone Sini, recommande ton âme à Dieu, car tu vas aller rejoindre mon père.

Il se mit à trembler, à s’excuser, et sa femme, qui était avec lui, pleurait et me suppliait. Mais nous aussi, nous avions supplié en vain ! Il essaya de me désarmer ; j’étais plus fort que lui, je le tuai à bout portant, pendant que sa femme criait au secours. On accourut ; mais nul n’osa m’arrêter. J’avais d’avance embrassé ma mère, et je m’en allai à la montagne, où je suis depuis deux ans, ne regrettant pas ce que j’ai fait.

Il ne restait plus que le vieillard. Il haussa les épaules d’un air de dire ;

— Je n’ai pas grand’chose à raconter. Et cependant, pressé par nous, il prit la parole ainsi :

— De mon temps, ce n’était pas du tout la même chose. Il n’y avait pas de routes comme à présent ; les carabiniers n’osaient pas mettre les pieds chez nous, et nous disions, nous autres : Puisque la plaine est plus fer-