— Pour les raconter là bas, dit Effisio d’un air ingénu. Vous ne savez donc pas combien les voyageurs sont heureux quand ils ont quelque chose de nouveau à dire ? À Paris, qui est, comme vous le savez, la plus grande ville du monde, on aime beaucoup la Sardaigne, à preuve que les Français ont voulu la prendre autrefois ; mais on n’en sait pas grand chose, parce que les. Parisiens ne viennent point ici. Alors, cet homme-là fera fureur, quand il pourra conter ou même écrire ce que vous lui aurez dit.
L’explication parut les satisfaire.
— Après tout, dit le chef, la justice la sait, notre histoire, et je ne vois pas pourquoi nous ne la dirions pas à un bon enfant, qui veut s’instruire des choses d’ici.
Donc, je vais vous dire la mienne.
Et d’abord, signor, poursuivit-il en s’adressant à moi, je suis celui qu’on appelle le Maccione[1] et dont vous n’êtes pas sans avoir entendu parler, peut être ?
— Ah ! vous êtes le fameux Maccione, dit Effisio d’un air fourbe qui ne me convainquit pas.
Mais l’amour-propre est crédule à la montagne comme à la ville, et en Sardaigne comme ailleurs. Le Maccione se rengorgea, et lâcha comme eut pu le faire un des nôtres, le moi-même, qui paraît-il est également de tous les pays et de tous les temps.
— Écrivez ce nom-là, monsieur, me dit-il.
J’obéis à son injonction et il poursuivit :
— J’ai trente-quatre ans aujourd’hui ; alors j’en avais vingt-deux. Un soir, mon frère me dit : J’ai une amoureuse. Veux-tu venir avec moi ? — Je le suivis. La belle me fit bon accueil, et ils se mirent à se baiser que le feu m’en venait aux lèvres. Il y avait là une petite servante à qui je me mis à faire la cour. Tout à coup, on frappe à la porte. Pan ! pan !
— Qui est là ? — Moi ! dépêchons-toi d’ouvrir.
— Il padrone ! me dit la serva épouvantée. — Je
- ↑ Ce mot en sarde signifie renard, qui se dit en italien volpe.