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lui qu’elle aimait, il devait la protéger, cette enfant, que son père condamnait à la honte d’être possédée par un homme qu’elle n’aimait pas ! Il devait tout donner pour elle, son honneur, sa vie ! Il ferait une grande chose en protestant dans ce pays contre l’abus du droit paternel. Il sauverait Grazia ! C’était à lui, à lui seul, de faire ce que projetait Nieddu. Ne savait-il pas, cet homme, ce lâche Antioco, que Grazia ne l’aimait pas ? qu’en l’épousant il lui faisait violence ? Le viol est un crime ; on le punit. Cet homme avait donc mérité sa condamnation. Quoi ! celui qui voit une jeune fille menacée d’un tel attentat, a le droit et le devoir de la défendre, jusqu’à la mort de l’agresseur ! Et pourquoi donc, lorsque le fait est le même, le droit et le devoir ne seraient-ils pas pareils ? Est-ce la publicité d’un tel crime qui le rend sacré ?…

— Que m’importe ? s’écriait-il. Et moi aussi je courrai la montagne ; la sachant libre, je serai heureux ! Ou, si je ne puis vivre sans elle, eh bien mieux vaut ne plus vivre que de tant souffrir !…

Il ne m’était pas difficile de prouver à Effisio, sans m’arrêter à discuter la moralité de l’acte, qu’en supprimant Antioco, il ne délivrait pas Grazia, à moins qu’il ne voulut aussi tuer de Ribas, l’aïeule et la mère, tous également convaincus du droit qu’ils avaient de disposer de Grazia. On la marierait bientôt à un autre et lui se serait perdu sans la sauver, sans qu’elle pût jamais être à lui.

Alors, il s’indignait contre la faiblesse de son amante, pauvre enfant, pleine de préjugés et de terreurs, depuis ceux de la religion jusqu’à ceux de la famille.

Cette fois, je lui donnais raison, et je m’efforçai de lui faire entendre, sans trop oser l’exprimer, qu’une femme plus instruite, élevée dans les idées modernes, serait plus capable de le rendre heureux.

Mais alors je le vis hausser les épaules, foudroyer d’un regard indigné mes pauvres insinuations, et proclamer que ce qu’il adorait