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gliari et Sassari — je veux parler seulement de leur direction, car le caractère de cette campagne est la solitude, une solitude absolue, qui s’étend aussi loin que le regard. Les seuls villages qu’on aperçoive de Nuoro et les plus proches sont Oliena et Orune ; le premier est à deux heures, le second à trois, en voiture ou à cheval ; on ne les voyait point des montagnes où nous étions. Ce n’était partout sous nos yeux que grandes courbes nues ou boisées, mais boisées pour la plupart, mêlées de pointes pittoresques ; des vallées aux chaumes brülés, que relevait par endroits le vert vif de la vigne, et là-dessus tous les charmes de la grande magicienne : voiles aériens, vapeurs bleues, caprices d’ombre et coups de soleil, couleurs vives et nuances fondues, lignes arrêtées, contours vagues, miroitements et enchantements. La nature me monte facilement à la tête ; je sifflais avec les merles, je roucoulais avec les colombes, j’appelais le daim qui fuyait, sans laisser de traces de son passage qu’un long bruissement, et je finis par me jeter sur le sol auprès d’une fontaine, où nous bûmes à longs traits, Effisio et moi, ainsi que nos chevaux.

Il ne fallait jamais presser longtemps Effisio pour qu’il devint poste, expansif, et qu’il lâchât la bride à toutes ses pensées auprès d’un ami. Aussi n’étions-nous pas assis depuis dix minutes que nous parlions de Grazia, et comme il avait longtemps gardé le silence, il me versait tout son cœur avec de grands soupirs, des cris de désespoir et enfin des larmes…

Il l’aimait !… Il ne pouvait cesser de l’aimer ! Il n’aimerait jamais d’autre femme ! Et cependant il était altéré d’amour, plus que nos lèvres ne l’étaient tout à l’heure de cette eau que nous venions de boire. Il voulait vivre, il voulait aimer ! Elle était à lui, car elle l’aimait ! et cet homme n’avait pas le droit de la lui prendre. Fallait-il laisser consommer cette infamie ? Était-ce là vraiment de la délicatesse ? de l’honneur ? Non ! non,