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Pour le coup, le vieillard ne put s’empêcher de hausser les épaules.

— Soyez tranquille, signor, soyez tranquille, il y en a pour longtemps.

— Déjà, dans ce pays, combien de monts n’ont plus d’arbres ; c’est ce qui vous donne tour à tour un froid vif et une chaleur insupportable, ce qui vous procure les longues sécheresses et les ravages des torrents…

Il ne m’écoutait plus et me répéta en riant :

— Il y en a pour longtemps !

Cet homme était un brave homme et un vaillant travailleur. Il était père et grand-père, et il aimait les enfants de ses enfants. Mais il n’y voyait pas plus loin ; aucun esprit de solidarité n’était venu grandir son cœur et élargir ses horizons.

Cubeddu eût voulu tuer un agneau pour nous et nous eûmes bien de la peine à lui faire comprendre que nous ne pouvions pas manger deux fois en deux heures. Il fallut du moins boire de son lait et tremper dans la giunchetta les cuillers de corne de bœuf ; après quoi, distribuant quelques cigares bien accueillis, nous réussîmes à partir. Il était déjà plus de trois heures de l’après-midi. Nous voulions faire un grand détour, en revenant à Nuoro par la route de Macomer. Mais nous avions tout le temps et il nous suffisait de rentrer avant la nuit.


X

Dès lors nous chevauchâmes au pas ; notre dessein était seulement de jouir des bois et de la montagne, je devrais dire mon dessein, car Effisio, toujours absorbé, ne faisait que se prêter à ma fantaisie.

Toutefois, les grandes influences de la nature aidant, mon enthousiasme finit par le gagner. Nous découvrions çà et là d’admirables points de vue, et je me faisais nommer par lui les montagnes, les villages environnants. Quand je dis les villages — il n’y a que des villages en Sardaigne, excepté Ca-