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sauvage, faisaient autour d’eux le vide et la désolation. Abattant et brûlant les arbres les plus proches, ils changeaient leur oasis en désert. De même je retrouvais encore çà et là des troncs noircis, calcinés, creusés par la flamme.

— Qu’est cela ? demandai-je.

— Des chênes rouvres, qu’on fait brûler pour la cendre.

— Quoi ! c’est pour la cendre que vous brûlez l’arbre ?

— Oui donc ! on la vend pour les lessives ; il en faut bien.

— Et celui-ci ? demandai-je encore, en m’arrêtant devant un magnifique chêne tout noirci, vrai cadavre végétal, nu de son écorce et de ses rameaux.

— Ah ! celui-là, me dit en souriant un des pasteurs, ce sont les jeunes gens qui y ont mis le feu, parce qu’ils avaient grand froid et n’avaient pas le temps de couper du bois.

Il disait cela comme une chose toute naturelle et plaisante. Effisio me dit qu’on avait vu se développer ainsi des incendies qui avaient dévoré des hectares entiers. Oh ! pauvres forêts, santé et fertilité de la terre, voilà comment vous traite cette ignorance, dont on prend si peu de souci, et qui de tous les fléaux est le plus dévastateur !

Voulant pousser jusqu’au bout l’inventaire, je demandai à Cubeddu s’il ne replantait jamais de chênes, à mesure qu’il en faisait abattre.

Avec surprise, il me fit répéter ma question, et alors :

Che piantare ! s’écria-t-il ; ce qui peut se traduire ainsi : Que me parlez-vous de planter ? Quelle bêtise est-ce-là ? Vous ne savez pas ce que vous dites !

Et cependant, comme il était bonhomme, il me sourit avec indulgence et voulut bien m’expliquer qu’on ne plantait pas les chênes : cela ne se faisait pas.

— Cependant, osai-je observer encore, ils s’en vont ; donc, il viendra un temps où il n’y aura plus de forêt.