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— Sans doute, dit Effisio ; est-ce que les gouvernements s’occupent de ces choses ? Et les employés du gouvernement, donc, est-ce que tu crois qu’ils observent les lois ? Voilà Pirri qui chasse en temps prohibé.

— Laissez donc, don Effisio, et vous-même ? signor, ajouta-t-il en s’adressant à moi : que voulez-vous, nous sommes Sardes, cela dit tout.

— Voici Cubeddu, me dit Effisio.

C’était en effet un beau vieillard, aux traits nobles et réguliers ; une arcade sourcilière puissante sur un œil doux, dénotait la persévérance de cet homme, qui, né misérable, s’était fait une petite fortune par son travail. Son covile, où il nous conduisit avec l’empressement de l’hospitalité, n’avait d’ailleurs rien de plus luxueux que celui d’Effisio. Même exiguïté, même saleté, même gamelle, même réduction des besoins à leur plus simple expression, et cependant cet homme passait là presque toute l’année avec ses fils et n’allait que rarement à Nuoro, où vivaient sa femme, sa bru et ses petits-fils. On n’en voyait pas moins sur son visage une sérénité parfaite, une sorte d’intime contentement d’habiter ces grands bois, avec lesquels il avait identifié sa vie, contentement analogue à celui des merles et des fauvettes qui chantaient autour de nous, et presque aussi inconscient. Si Cubeddu meurt hors de la montagne, il mourra deux fois.

Je trouvai dans cette pastorista, à part le meilleur état du troupeau qui témoignait de l’œil du maitre, des conditions dont la répétition me frappa. Le covile, au lieu d’être placé à l’endroit le plus touffu du bois, se trouvait exactement, comme celui d’Effisio, au milieu d’un espace nu et désolé, semé de bois mort et de branchages, sans un arbre, et brûlé par le soleil. Déjà, je m’étais demandé par quelle bizarrerie on avait pu choisir le lieu le plus torride et le moins agréable de l’enclos. En retrouvant tel celui de Cubeddu, je compris. C’étaient les pasteurs eux-mêmes qui, par une incurie de