Page:Leo - Grazia.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
FEUILLETON DU SIÈCLE. — 16 MAI 1878.

(18)

GRAZIA

RÉCIT D’UN VOYAGEUR
RECUEILLI PAR
ANDRÉ LÉO

IX. — (Suite.)

Nous venions d’entrer dans la tanca de Cubeddu, quand un coup de feu partit près de nous, et bientôt un homme, vêtu en bourgeois peu aisé, déboucha de notre côté.

— Ah ! c’est vous, Pirri ! dit Effisio. Le vieux Cubeddu a vendu ses chênes ?

— Si, signor cavaliere, et je suis venu les marquer.

C’était un employé des eaux et forêts, dont le soin était d’empêcher la vente des chênes trop jeunes ; aucun arbre ne pouvant être coupé sans avoir été marqué par lui.

— Vous obligez sans doute aussi les propriétaires à replanter ? lui demandai-je.

Il me regarda d’un air ébahi.

— Replanter ! non signor, nous ne sommes pas chargés de cela.

— Il est pourtant certain, lui dis-je, que la dent des moutons broutant sans pitié tout jeune chêne nouvellement éclos, et la hache d’autre part abattant les vieux, le déboisement complet de ces montagnes n’est qu’une affaire de temps.

— C’est vrai, signor, c’est juste, et elles étaient autrefois bien plus fournies ; tous les anciens du pays le disent ; il y avait aussi bien plus de gros gibier. À présent, ce ne sont presque partout que des clairières. Mais nous n’avons rien à faire à cela.