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Et moi aussi ne suis-je pas un bandit ? Ceux qui nous persécutent l’ont voulu ainsi. Nous ne faisons pas plus de mal que d’autres qui sont bien avec la justice. Addio, signor, je ne veux pas me fâcher avec vous. Ne me prêchez pas.

Nous nous serrâmes la main, et je partis avec Effisio, après nous être arrachés aux embrassements du chef des pasteurs, que le bon vin d’Oliena avait jeté dans un état d’attendrissement bien concevable chez un homme habituellement nourri de lait et de giunchella.

J’avais demandé à Effisio de ne point revenir de suite et de parcourir la montagne, et il me conduisait chez Cubeddu, le vieux pasteur propriétaire, dont il m’avait parlé. Chemin faisant, il me raconta l’histoire du Sirvone.

— Ce n’est point, comme il arrive fréquemment, un homicide commis dans l’emportement de la colère, ou pour vendetta, qui a jeté cet homme dans le brigandage. Il avait vingt ans ; il se nommait Gavino Daga ; c’était un beau gars, fort au travail, aimé de tout le monde et surtout d’une jolie fille de son quartier, Antonietta Pisani. On les avait fiancés ; ils se croyaient unis pour la vie, quand, l’époque de la conscription venue, Gavino Daga tomba au sort. En voyant son numéro, l’un des premiers, il pâlit et dit : Je ne partirai pas ! Les Sardes n’ont jamais pu accepter la conscription, et surtout alors, quand le service était de huit ans. Un très-grand nombre se faisaient latitanti, c’est-à-dire s’allaient cacher dans les bois de la montagne, où, après avoir épuisé les secours de leurs familles, ils en étaient réduits à vivre de brigandage. C’est ce qui est arrivé au Sirvone. Pressé par la faim, il a volé des agneaux, des porcs et jusqu’à des vaches, en compagnie d’autres latitanti ; on assure que c’est lui, à la tête de ses compagnons, qui a dévalisé la diligence de Macomer à Nuoro, un jour de l’apnée 1871, enlevant une somme de cinq mille francs. Mais ce qui lui a fait