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d’interrompre son chant quand nous arrivâmes. Nous y trouvâmes nos chevaux, qui broutaient la fougère, sous la garde d’un petit garçon ; car le vol des bestiaux est toujours à craindre. Ce jeune garçon se mit à ramasser du bois mort, qu’il alluma, pendant que le fils du pasteur, Nicolo, ou plutôt Cocco, ainsi qu’on l’appelait, coupait en : tranches la viande de bœuf apportés par Effisio, et l’enfilait sur deux broches de bois, qu’il posa tout bonnement sur des pierres, de chaque côté du feu. Ensuite, s’armant d’une longue baguette, il y piqua un morceau de lard et, l’exposant à la flamme ardente, il en arrosait les viandes, qu’il tournait de temps en temps. Couché sous un arbre, de loin je le regardais : sa tête juvénile et brune, aux traits assez délicats, coiffée du bonnet phrygien, sa taille mince, et son vêtement, qui, sinon grec, avait du moins quelque chose d’étrange et d’oriental, le vêtement pareil du jeune garçon, planté là sur ses genoux, et cette cuisine en plein air, élémentaire, tout me rappelait les temps primitifs, et je me plaisais à me croire chez les peuples pasteurs de Grèce ou de Phrygie, que les Sardes revendiquent pour leurs ancêtres, à l’époque où chantaient les rhapsodes. Ce n’était pas la nature qui, dans son éternelle jeunesse, pouvait déranger ma fantaisie. Rien n’empêchait que ces beaux chênes fussent ceux de Dodone, ou que cette fauvette qui chantait toujours, eût entendu gémir Andromaque, et que ces tourterelles, qui près de nous soupiraient d’amour, ne fussent les oiseaux de Vénus. Je me plongeais dans ce rêve, aspirant avec délices la senteur des chênes et des fougères, cherchant les mots oubliés de la langue d’Homère, et hanté de mille réminiscences, quand Effisio vint brusquement me dire :

— Veux-tu te mettre à table ?

La table était le sol, et la nappe, ainsi que les plats, étaient représentés par une large et longue écorce de liége, où notre Ganymè-