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Ce feu me rendit compte de la teinte enfumée du toit près de l’entrée ; mais l’idée que ces gens pouvaient se chauffer les pieds par une chaleur telle qu’elle empêchait le sommeil, me surprit fort. Cette coutume est particulière aux Sardes et je me rappelai avoir vu le soir, en passant dans les ruelles de Nuoro, par des chaleurs étouffantes, des enfants nus présentant leurs pieds à un feu, allumé au milieu d’une misérable chambre sans cheminée.

— Nous quittâmes le covile pour aller voir le troupeau ; il se composait de près de 400 brebis et d’une centaine d’agneaux séparés de leur mère, et dont la vente au boucher diminuait le nombre chaque semaine ; du moins celui des mâles, car les femelles sont conservées.

— Combien vendez-vous ces agneaux ? demandai-je à l’un des fils du pasteur, brun et beau garçon de vingt ans.

— Deux francs à deux francs 25, me répondit-il.

Certes, le prix est misérable ; mais il faut dire que la bête ne l’est guère moins. Ces agneaux sevrés de trop bonne heure et n’ayant d’autre nourriture qu’une herbe rare et sèche, ont la chair flasque, maigre et peu succulente, et restent fort petits. Les brebis également sont petites et donnent peu de lait. Privées d’abri en tout temps, et n’ayant qu’une nourriture insuffisante, leur laine est extrêmement dure et grossière ; on la prendrait pour du poil de chèvre. Elle n’est employée que dans le pays, pour fabriquer les jupes des paysannes et l’étoffe noire dont les hommes font leurs capotu, leurs guêtres et leurs ragas ou petites jupes.

Le pasteur et son fils nous suivirent en un lieu choisi par Effisio comme le plus frais du pâturage. C’était un espace couvert de fougères, près d’un filet d’eau, où les chênes, plus grands et plus touffus, répandaient une ombre délicieuse, où, cachée dans le feuillage, une fauvette ne jugea pas à propos