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héros de notre indépendance, sans en excepter les glorieux Mille, vous les trouverez dans des boutiques, au moins pour la moitié.

— Et Cambazzu, lui aussi ? demandai-je.

— Lui, non ; il est allé s’enterrer d’une autre manière, en Sardaigne, où il a son héritage paternel.

— Ah ! il est Sarde, je me le rappelle maintenant. Combien je regrette de ne pas le voir !

— Que n’y allez-vous ! C’est un curieux pays à ce qu’il paraît, bien que diablement sauvage. Si je n’étais pas enchaîné ici…

Nous parlâmes des moyens de transport. Il n’y avait qu’à prendre le bateau à vapeur de Gênes, le samedi soir, qui était le surlendemain ; on touchait à Livourne le dimanche, de grand matin, à Bastia le soir ; on jetait l’ancre la matinée suivante, à cinq heures, au port de la Maddalena, une île sarde, voisine de Caprera, Là, si l’on ne voulait, ou si l’on n’osait, aller visiter le grand homme dans son île, on reprenait presque immédiatement le bateau qui va toutes les semaines de la Maddalena à Cagliari, en touchant les ports orientaux de la Sardaigne, et l’on débarquait vingt heures après à Orosei, d’où l’on gagnait par la diligence la ville de Nuoro, située dans la montagne, et où demeurait Effisio. En tout, cinq jours de voyage, — le temps d’aller à Constantinople ou en Égypte ; — mais la mer était admirable, la nuit pleine d’étoiles, tandis que du haut de la terrasse de marbre blanc qui domine le port, nous parlions de ce voyage, en regardant les vapeurs anglais, américains, italiens, français, pressés les uns contre les autres, et dont plusieurs, qui s’apprêtaient à partir, laissaient échapper de blanches fumées.

Rien comme la vue d’un grand port ne donne envie de courir la mer. Des barques, glissant entre les navires, venaient aborder au quai ; les marins criaient et les douaniers rodaient ; l’eau clapotait ; çà et là, flamboyaient des lueurs rouges empruntées aux