Page:Leo - Grazia.djvu/197

Cette page n’a pas encore été corrigée

étrangers, bondit sur ses pieds et saisit son fusil, dans l’attitude énergique de la défense.

— Il padrone, il padrone ! lui dirent vivement les autres.

Il se détendit alors subitement, et posant son fusil au repos sous sa main, il resta dans l’attente, droit, sérieux, digne, les traits immobiles comme le corps. C’était un bel homme, aux traits presque doux ; ses cheveux droits tombaient de dessous son bonnet sur les tempes et sur les épaules, et se mêlaient à sa barbe le long de ses joues. Il avait le costume des gens du pays, mais râpé, déchiré. Ses joues pâles et creuses indiquaient la souffrance, et seulement quand il levait furtivement la paupière, on voyait dans son œil la flamme de l’audace. Du geste et de la voix, Effisio salua tout le monde et s’avançant vers Nieddu :

— Je ne te savais pas ici, Fedele ; mais je suis content de te voir. On t’a bien accueilli sous ce toit, j’espère ?

— Bien, Effisio, j’en remercie tes pasteurs et toi. As-tu des nouvelles du village ?

— Aucune des tiens ; j’en aurais apporté, si j’avais su te rencontrer.

Et poursuivant en italien, que les pasteurs n’entendaient pas ou fort peu :

— Je regrette de ne pouvoir t’inviter à déjeuner avec mon ami et moi, là-bas sous les arbres. Mais tu comprends pourquoi cela ne se peut pas ?

— Je le comprends.

— Et tu ne m’en veux pas ?

— Non. Tu ne peux faire autrement comme parent de Ribas et surtout…

Il n’acheva pas ; mais ils s’étaient compris du regard.

— Eh bien ! reprit Effisio, fais-moi le plaisir d’attendre et d’accepter la part que j’enverrai pour toi et tes compagnons. Tu mènes ici une rude vie.

— Ceci n’est rien. C’est dans le cœur qu’elle est le plus rude, répondit Nieddu. Mais le jour de la volupté viendra. Ils ont été bien lâches contre moi !