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— Qui donc ?

— Deux banditi, un ancien et un nouveau.

— Ah ! tu les connais ?

— L’ancien, est le Sirvone[1]. Vous en avez entendu parler. Il y a dix ans qu’il tient la montagne et nous le voyons souvent. L’autre est par ici seulement depuis quelques jours et il entre chez nous pour la première fois. C’est Fedele Nieddu, qui vous connait bien.

Effisio s’arrêta et je vis l’indécision sur ses traits.

— On croira que je lui ai donné rendez-vous, me dit-il en français.

J’avais bien envie de voir les banditi et leur visite au covile m’avait semblé, au point de vue de mes observations de voyageur, une rencontre admirable ; mais je compris trop bien la pensée d’Effisio ; aussi lui dis-je :

— Eh bien, n’allons pas au covile.

— Non ! reprit-il après une réflexion nouvelle, ce serait offenser l’hospitalité ; maintenant, il est trop tard.

Et il reprit son chemin.

Nous étions sur un terrain nu, tout semé de débris de liége et de branches mortes ; je cherchais des yeux un toit rustique et ne vis rien qu’une sorte de petite butte ronde en pierres sèches, qui n’annonçait nullement une habitation humaine. Ce fut pourtant à l’entrée que nous nous arretâmes ; là, dans un espace de deux mètres environ de diamètre, quatre hommes assis par terre jouaient aux cartes, et un cinquième assis mélancoliquement à côté, les mains autour des genoux, les regardait. Ce dernier était Nieddu ; il tressaillit en nous voyant et se leva sans frayeur, tandis que son compagnon, qui sans doute comptant sur le retour du pâtre, n’avait pas levé les yeux au bruit de nos pas, en voyant des

  1. Sirvone en langage sarde veut dire sangler. C’est un surnom.