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me montrant une des cimes les plus voisines, couverte de grands chênes.

Plus bas, nous traversons une vallée pleine de moissons. Sur le bord de la route, les paysans avaient établi leur aire, que foulaient au pied des bœufs patients et craintifs, conduits en laisse par de longues cordes, au moyen de ce nœud cruel qui entoure l’oreille. Faute de grange et de cours, les opérations de l’agriculture se font ainsi dans les champs sur le lieu même, et souvent à deux ou trois heures du village.

Bientôt, nous nous engageâmes dans la montagne. Si les chemins qui entourent Nuoro ne reçoivent aucune réparation, on peut croire que ceux de la montagne font leurs affaires eux-mêmes, avec la seule aide des eaux du printemps. Parfois, nos chevaux traversaient une suite de petits monticules et de crevasses, reliés par les racines dénudées des chênes-liéges ; parfois, ils montaient à pic des roches, plus ou moins plates, qui pavaient le chemin et sur lesquelles je m’émerveillais que leur pied pût se maintenir. Et ce qui m’étonnait encore, c’était l’insouciance de mon compagnon, qui ne prenait même pas garde à son cheval et le poussait à l’amble dans les montées les plus âpres ; au galop, parfois, dans les descentes périlleuses.

— Tu veux certainement te rompre le cou, lui disais-je ; mais grâce pour moi !

— N’aie pas peur, me répondait-il, fie-toi à ton cheval ; tiens-lui seulement la bride haute à la descente ; il n’y a jamais d’accidents.

Voyant passer une colombe, il mit son cheval au pas, sans l’arrêter, ajusta, tira, et le chien qui nous suivait rapporta l’oiseau. Le cheval n’avait pas tressailli.

André Léo.

(À suivre.)