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dans le Nord, cette part, dans le Midi, lui fait défaut, et l’on peut se demander ce qui lui reste d’action personnelle. Je crois qu’elle n’en a point.

Chef de maison, quoique non marié, mon ami faisait donc l’achat des provisions de ménage, tant pour se conformer à l’usage que pour ne pas fâcher la vieille Angela, qui, fidèle à la coutume, comme tous ceux qui en sont victimes, eût trouvé fort inconvenant d’être chargée de ces soins. Il rapporta plusieurs kilogrammes de viande de bœuf, prit un saucisson dans sa cuisine et un morceau de lard, une certaine quantité de pain, et fit emplir de vin deux petites outres.

— Et moi, dis-je, que leur porterai-je ?

— Autant de cigares que tu voudras ; ils seront enchantés.

Nous partimes à cinq heures du matin. La pastorizia d’Effisio n’était qu’à deux heures de distance de Nuoro ; mais la chaleur de juillet étant extrême, il importait d’arriver de bonne heure.

Nous primes au nord la route dite de Bitti, qui mène à ce gros village, habité par une des populations les plus rudes de la montagne. L’air du matin, vif sur ces hauteurs, et tout ensoleillé des premiers rayons, donnait à la campagne une couleur exquise et remplissait la poitrine d’une alacrité joyeuse. La route se déroulait sur le bord de précipices formés par de grands ravins, au fond desquels une rivière étroite coulait au milieu des rochers et des broussailles. Les monts en face de nous, arrondis, puissants de forme, mais stériles, semés de rochers, et où n’apparaissait même pas la touffe gaie du vert lentisque, n’en avaient pas moins une beauté grandiose et sauvage. Au delà, c’était une série de montagnes aux plans parallèles, dressées les unes derrière les autres et pour la plupart boisées, qui s’enfonçaient en des perspectives de plus en plus bleues.

— C’est tout là-haut, me dit Effisio, en