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arrangé tout cela entre eux pour que Nieddu crût que Pepeddo, lui aussi, voulait se défaire d’Antioco. Et il l’a cru. Quand Pepeddo l’est allé trouver et lui a dit :

— Nieddu, tu veux froidir Antioco Tolugheddu. Et moi aussi je le veux ; car il m’a frappé comme une bête de somme. Alors donc, mettons-nous ensemble.

Nieddu lui a répondu :

— Non, je veux ma vengeance à moi tout seul. C’est de ma main qu’il doit mourir !

Pepeddo là-dessus est allé trouver le juge et lui a dit :

— Voilà ce que je viens d’entendre de la bouche de Nieddu. Et c’est alors que le juge a envoyé les carabiniers. Peuh ! que c’est vilain ! Ces choses-là, de mon temps, ne se faisaient pas. Quand on veut se défaire de son ennemi, ceux qui ont du sang dans les veines, ce n’est pas le juge qu’ils vont trouver, c’est un poignard ou un bon fusil. Ces Tolugheddu font honte au pays, signor, ils gâtent les coutumes.

Elle avait à la ceinture un chapelet, dont je lui voyais dix fois par jour tourner les grains, en remuant dévotement les lèvres. Je mis le doigt sur une dizaine, gros grain placé de dix en dix, qui représente les pater, et lui demandai :

— Que dites-vous à la fin de cette prière ? Elle le savait si peu que pour avoir la fin elle dut prendre dès le commencement :

— … Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

— Eh ! bien ? lui dis-je.

— Eh bien, quoi ? signor ?

Jamais je ne vis mieux à quel degré l’habitude, la répétition, ossifient le cerveau. C’étaient là pour elle de simples sons ; j’eus beaucoup de peine à lui en faire saisir le sens, et à lui faire comprendre ma pensée. Partagée entre sa religion et son pays, elle n’hésita pas longtemps :

— Que voulez-vous, signor ? Ce n’est pas notre faute à nous ; c’est le bon Dieu qui