Page:Leo - Grazia.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nieddu resta un moment silencieux. Je voyais la silhouette de son front pensif, et sa taille élégante et souple, se détacher sur la pâleur du ciel. Il mit son fusil sur son épaule et me tendit la main :

— Je me fie à vous ! dit-il. Vous savez, j’aime les Français. Adieu !

Non sans attendrissement, je serrai sa main. Il disparut dans la nuit.


IX

Le lendemain, quand je sortis de ma chambre, la vieille Angela vint au-devant de moi.

— Vous vous souvenez, signor, que je vous ai dit hier matin : il y a quelque chose dans l’air ! Ce n’est pas pour nous ; mais il y aura quelque chose ?

— Oui bien, il me semble, lui répondis-je, quoique je ne me souvinsse de rien. Mais Angela eût été désolée d’un démenti. Depuis que j’avais donné attention à ses prophéties, elle m’annonçait quelque chose si souvent, que je n’y prenais plus garde, d’autant moins que ce quelque chose concernait quelquefois le coq de la basse-cour, ou tout autre personnage de même importance. En somme, pour une femme qui avait sept esprits à elle toute seule, ses avertissements, il faut en convenir, n’étaient pas trop fréquents.

— Eh bien, signor, il est arrivé que les carabiniers sont allés hier soir, chez Nieddu pour l’arrêter ; mais l’oiseau n’était plus au nid ; sa mère a dit qu’il était allé chasser dans la montagne, et comme elle a ri, le brigadier l’a appelé vieille sorcière. Sorcière ! elle ne l’est point ; elle n’a pas même un esprit, la pauvre femme ! Alors, ils surveillent la maison pour prendre Nieddu quand il rentrera ; mais il ne rentrera point ; sûrement, il aura été averti. Par qui ? On ne le sait pas. Les Tolugheddu ont fait de mauvaises choses contre lui : Pepeddo n’était point fâché contre son maître, et ils avaient