Page:Leo - Grazia.djvu/185

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Je rêvais, Nieddu, comme font, vous le savez, les poëtes, et ne m’attendais guère à vous voir passer.

— Ah ! vous êtes le Français ! Ah !… C’est vous qui avez témoigné contre Raimonda ? Quand on fait ces choses… on ne sort pas la nuit, comme cela…

— Je ne me défie pas de vous, Nieddu, car je ne suis pas votre ennemi. Je vous ai toujours dit ma pensée. J’ai dit aussi la vérité au juge. C’est un devoir.

— Non, dit-il, le juge est l’ennemi ; on ne doit à ses ennemis que le mensonge, quand on est en leur pouvoir, ou la mort, quand on les tient. J’étais votre ami et celui d’Effisio, et vous vous êtes fait mon ennemi !

— Vous vous trompez ; si j’ai essayé de vous faire renoncer à votre vengeance, c’est qu’elle vous perdra. Nous n’avons pas la même idée du devoir et voilà pourquoi nous ne pouvons pas nous entendre ; mais je suis pourtant votre ami.

— Vous avez entendu tout à l’heure ce que nous disions, elle et moi ?

— Oui.

— Ah ! traître !…

Il me sembla le voir presser la détente. J’eus un frisson dans le dos. Et pourtant je repris :

— Si j’étais un traître, j’aurais dit non.

L’arme fatale se releva. D’une voix sourde :

— Vous avez raison, murmura-t-il. Eh bien ! dites à Raimonda que je n’irai pas au rendez-vous.

— Ainsi, vous me prenez pour un dénonciateur, m’écriai-je, Nieddu !… Vous m’insultez !

— Ne croyez-vous pas devoir la vérité aux juges ? répliqua-t-il d’une voix ironique.

— Mais nul ne sait que j’ai entendu ceci ; donc, on ne peut me le demander ; et quand bien même on m’interrogerait là-dessus, aucune obligation morale ne m’oblige à vous trahir. Non, non ! En tout cas, je vous donne ma parole d’honneur que ce que j’ai entendu ce soir, nul ne le saura.