la poule aime ses petits. Je ne puis pas te laisser aller seul. J’ai peur maintenant pour tol. Je ne puis plus… Je ne puis plus te quitter ! Oh ! laisse-moi te suivre !
— C’est impossible, je te le dis. Tu souffrirais trop. Écoute : Moi aussi, va, j’ai besoin de te voir !… Dans huit jours, à cette heure-ci, viens dans la tanca des Verrineddu, sous la pierre creuse, et prends bien garde qu’on ne te vole : Viens ! tes baisers me rendront la joie, que je n’aurai plus loin de toi, ô ma bien-aimée !
Ils s’embrassaient, avec des soupirs et des sanglots, ne pouvant s’arracher l’un à l’autre ; de temps en temps, des imprécations et des serments de vengeance se mêlaient à ces adieux brûlants.
Couché sur mon rocher, dans une attitude qui pouvait à la rigueur me donner l’aspect d’une touffe de lentisques, je ne bougeais pas et retenais mon souffle. Ce n’était pas pour les épier ; mais j’avais senti, dès leurs premiers mots, que me montrer eût été fort imprudent. Niedda fuyait, irrité, trahi. Ma déposition pouvait l’avoir aigri contre moi ; son premier mouvement devait m’être hostile ; et comme ces irritables natures ne savent ni calculer ni se contenir, il pouvait, malgré la proximité du village, et à tous risques, se venger sur moi des ennemis qui l’exaspéraient. Je n’avais pas d’armes, et je voyais, à la clarté des étoiles, reluire le canon de son fusil.
Enfin, Raimonda s’arracha des bras de son amant, et, s’étant encore répété le jour et l’heure du rendez-vous, ils se séparèrent. Tandis qu’elle reprenait le chemin du village, Niedda fit de mon côté quelques pas rapides. Tout à coup, je le vois s’arrêter brusquement ; en un clin d’œil, son fusil passe de son épaule à sa main ; il me visait…
— Ami ! criai-je, d’une voix, je l’avoue, un peu étranglée ; car, tout en n’abandonnant pas le soin de ma défense, je me crus mort.
— Ou plutôt quelque traître encore ! me dit-il d’une voix âpre. Que fais-tu là ?