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FEUILLETON DU SIÈCLE. — 14 MAI 1878.

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GRAZIA

RÉCIT D’UN VOYAGEUR
RECUEILLI PAR
ANDRÉ LÉO

VIII. — (Suite.)

Chez nous, généralement, l’amour est moins lyrique et moins expansif. Plus rationnel, plus analytique, il sait mieux pourquoi il existe, et par cela même peut-être, relevant plus de la raison, il possède moins l’être tout entier. Nous osons le prendre à partie, le discuter ; celui même qui en meurt — s’il en est — cache sa blessure, et mourra en ayant aux lèvres, un mot, un sourire, qui voudront être sceptiques. L’Italien — bien entendu quand il ne s’agit pas d’un simple débauché — est fort différent : l’amour est son Dieu. — J’ai dit l’amour, non la femme — Il s’y livre sans réserve, avec joie, avec passion. Le combattre serait un sacrilége. L’accueillir est une religion. Religion en général fort idolâtrique et fort païenne ; mais sincère, — où d’ailleurs toutes les convictions sont respectées, où Vénus Aphrodite a son temple, à côté de Vénus céleste.

Mes raisonnements, mes exhortations, échouaient donc parfaitement près d’Effisio. Il entendait aimer en dépit de tout, il entendait souffrir, et même, je crois, souffrir le plus possible. Il ne voulait pas être consolé ;