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parlé de Fedele Nieddu. Et quand le juge, s’appuyant sur ma déposition et sur celle d’Etfisedda, leur rappelait qu’il avait été question de deuil et de funérailles, de mai son du mort, que Raimonda avait promis qu’elle se vengerait, et avait chargé l’enfant de dire à Grazia de préparer un de ses draps de noce pour linceul… elles balbutiaient d’un air étonné : — Peut-être bien ? Alors, c’est quand j’ai été partie. — Et, à les entendre, elles étaient toutes parties plus tôt qu’arrivées.

J’appris ces détails par Angela et Cabizudu ; car les femmes ne se faisaient point faute de raconter ce qui s’était passé devant le juge, tenant fort à répandre l’opinion qu’elles n’avaient accusé personne, et que nul n’avait à leur en vouloir. J’étais donc le seul témoin à charge, et, je le répète, cela m’attristait ; car, sans vouloir le meurtre, je ne pouvais m’empêcher d’être sympathique au meurtrier ; je l’excusais par son amour et le préjugé de sa race, et j’eusse désiré être l’agent de sa conversion, non celui de son châtiment.

Mais après tout, comme l’avait dit le juge d’instruction, peut-être pour lui-même valait-il mieux une arrestation, suivie d’une condamnation légère, pour simples menaces, que l’accusation capitale, sous le coup de, laquelle il devrait tomber, s’il exécutait sa vengeance…

Quant à Effisio, je m’efforçais de lui persuader de renoncer à son amour malheureux et de quitter l’ile avec moi : Rompant ainsi avec la pensée malsaine de la mort d’Antioco, il eût en outre évité les souffrances qu’il subissait chaque jour, en présence des droits avoués de son rival, et à rencontrer parfois celle qu’il aimait, désormais fiancée à un autre, obligée en le voyant de détourner son regard, autrefois si tendre et si doux. Je lui représentais qu’après tout, Grazia n’avait pas beaucoup lutté, que sa résignation ne témoignait pas d’un amour irrésistible, qu’ils ne s’étaient connus et aimés que deux mois à peine, et qu’il pouvait guérir cette