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vient diminuer le domaine de l’inculte, sur lequel ils règnent, leur semble à la fois un vol et une injure, et ravive en eux l’amer souvenir de la dépossession.

Le malheureux, que je voyais sur les bancs de la cour d’assises, était pasteur sur le territoire d’Oliena, qui fournit de maigres pâtures et des vins d’une force extrême. Il vit un jour défricher une vigne nouvelle sur les coteaux où paissait son bétail : — Tu peux bien planter une vigne, dit-il au propriétaire, mais tu n’en goûteras pas les fruits. Chaque jour, en effet, la vigne fut foulée et dévorée par le bétail du pastore. Le propriétaire fit constater les dégâts ; il s’ensuivit des condamnations répétées. Des deux parts, la haine s’échauffa, s’exalta jusqu’à la rage, et le dernier acte de la lutte fut un meurtre ; le propriétaire de la vigne tomba sous le fusil du pastore.

Le débat ordinaire entre le ministère public et le défenseur eut lieu sur la tête de cet homme le premier réclama protection pour la société contre « ces bêtes fauves ; » le second sacrifiant la dignité de son client pour sauver sa tête, plaida l’irresponsabilité de cet être à demi-sauvage. Ni l’un ni l’autre n’émit l’idée que s’il y avait dans la société des hommes comparables à des bêtes fauves, et à moitié sauvages, il y avait peut-être à faire autre chose pour eux que les condamner. J’appris le lendemain qu’on avait infligé au pastore les travaux forcés à perpétuité !

Pouvait-on arrêter Nieddu pour les menaces de Raimonda ? Elle ne l’avait pas nommé. Chose étrange, et qui m’attrista, j’étais le seul témoin sérieux. Les trois femmes, pourtant si attentives, n’avaient presque rien entendu. Elles avaient bien vu qu’Effisedda et Raimonda se disputaient ; elles avaient entendu les mots de petite corneille, chouette, etc. Effisedda avait pleuré ; mais le Français l’avait défendue et Raimonda ne l’avait pas touchée. On n’avait menacé de tuer personne, bien sûr ! Il n’avait point été