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Tolugheddu. Tout le monde sait que le vieux Basilio est avare ; mais on ne savait pas, ce qu’a révélé Pepeddo, qu’il met de l’eau secrètement dans le vin qu’on sert à table pour lui et son fils, et qu’il fait manger à ses domestiques des agneaux et des brebis morts de mal die : — N’en dis rien, je te donnerai du fromage, disait-il à Pepeddo. — Et l’on riait à se tordre, parmi ceux qui écoutaient. C’est au point que j’ai vu Antioco, rouge comme l’écarlate, s’approcher de Pepeddo et lui parler bas, comme s’ils n’avaient pas été en querelle ; et sans doute il lui a fait peur ; car Pepeddo n’a plus rien dit de semblable, et s’est contenté de récriminer.

Un soupçon me traversa l’esprit, qui, après ce que j’avais vu à la fontaine ne laissait guère place au doute. Le vieux Basilio, qui se lamentait de n’avoir pas de preuves, n’en ayant pas, n’en faisait-il point ?

Deux jours après, j’étais appelé chez le juge d’instruction, qui m’interrogeait au sujet de ce que j’avais entendu dire à Raimonda. Je le dis, n’omettant point, ce qui était évident, que cette scène avait été préparée, qu’on avait provoqué Raimonda pour qu’elle se trahit.

— Il n’est pas mauvais de prévenir, dit le juge, et cela dans l’intérêt même de l’accusé. Il sera moins puni pour menaces que pour assassinat.

— Et Raimonda, la mettez-vous en cause aussi ?

— Elle ? Oh non ! Eh ! mon cher monsieur, nous en avons tant, que nous sommes obligés d’en laisser. Si nous voulions juger les complices, l’année n’y suffirait pas. Nous avons dans cet arrondissement les populations les plus sauvages de la Sardaigne : Bitti, Posada, Siniscola et la Barbargia, repaire des antiques Barbaricini ! C’est chaque jour quelque nouveau meurtre ou grassasione (vol à main armée). On court au plus pressé. Je sais bien que cette Raimonda est l’instigatrice…

— Elle pourrait vous répondre que la