Page:Leo - Grazia.djvu/174

Cette page n’a pas encore été corrigée

que je permis à Effisedda de mettre la sienne. Bientôt, la petite s’en alla, tremblante. Depuis cinq minutes, la troisième spectatrice avait pris le même chemin ; on la voyait, sa cruche sur la tête, monter le dernier plan du coteau.

Je parlai quelque temps à Raimonda avec émotion, bien que sans beaucoup d’espoir. la suppliant, si elle aimait Nieddu, qui l’adorait, de mettre toute sa joie à le rendre heureux et d’abandonner une vengeance qui devait être la perte assurée de son amant, et pour elle un deuil et un remords, au lieu de la douce vie qu’ils pouvaient mener ensemble. Elle pleurait ; je crus l’avoir touchée.

— Laissez-moi ! me cria t-elle brusquement ; je ne suis pas une Française. Allez ! quand la haine brûle le cœur, il faut qu’elle en sorte ou que le cœur éclate. Vous n’êtes done pas un homme ? Laissez-moi !

Deux femmes descendaient le sentier venant à nous. Je m’éloignai.

Comme je rentrais, en passant devant la maison de Cabizudu, le petit homme m’appela :

— Vous ne savez pas, signor, ce qui s’est passé ?

— Non ; dites.

— Ah !… il en à fait un vacarme, l’Antioco ! Il n’y aura bientôt pas un prince aussi fier que lui. Voici : il apportait des colombes à sa fiancée, deux colombes qu’il avait trouvées en chemin, au bout de son fusil, et il les avait données à porter à Pepeddo. Or, comme ils arrivent à Nuoro, là, dans la grande rue, vis-à-vis du café, l’Antioco s’arrête et se met à causer avec plusieurs : don Carlo, don Giovanni, il signor Siotto ; il raconte comment il a tué ces deux colombes et qu’il les porte à dona Grazia. — Montre-les, Pepeddo, dit-il. Pepeddo cherche et ne les trouve point. Il les avait attachées à la selle, mais elles n’y sont plus. Il les aura laissé tomber en chemin. Alors, voilà l’Antioco qui entre dans une colère !… Imbécile ! brigand ! porco ! carogna ! Et tant, et tant, finalement,