Page:Leo - Grazia.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blante de rage, elle raillait maintenant l’effroi d’Effisedda.

— Pauvre petite ! disait-elle, c’est méchant, ça veut mordre, mais c’est lâche ! Voyez-la maintenant pleurer et se cacher, quand elle redressait la crête si haut tout à l’heure !

— Non ! je n’ai pas peur ! cria la petite fille en se relevant sous cette insulte ; non ! je n’ai pas peur ! Et ce n’est pas toi qui riras la dernière, va ! chacun aura son tour. — Vous avez entendu, vous autres, tout ce qu’elle a dit ? ajouta-t-elle en s’adressant aux autres femmes.

Celles-ci, en effet, écoutaient avidement, avec ce triste plaisir que la curiosité humaine trouve aux scènes les plus fâcheuses. Silencieuses, l’oreille attentive, elles échangeaient seulement des regards de haute éloquence et quelques exclamations. Mais, à ces mots d’Effisedda, elles parurent désagréablement surprises et subitement inquiètes. Celles dont la cruche était pleine s’empressèrent de la mettre sur leur tête et de s’en aller ; et la troisième, qui avait négligé de poser la sienne sous le robinet, l’y poussa d’un air impatient et contrarié, en protestant qu’elle ne s’occupait point des affaires d’autrui.

— Ah ! tu veux des témoins ? Race de scorpions et de couleuvres ! s’écria Raimonda. Tu étais venue pour me tendre un piége ! C’est à cela qu’on te dresse ! Il n’y a donc plus de sang dans les veines des Ribas ? Ah ! lâches ! lâches !… Et vous aussi, vous êtes venu pour cela ? dit-elle, en m’écrasant de ses regards de mépris.

— Vous êtes injuste envers moi, dis-je, sans espérer de la convaincre ; je vous plains, Raimonda, et je plains Nieddu, que vous perdez. Ah ! si vous pouviez renoncer à votre vengeance ? Un crime ne guérit pas un outrage.

Elle se jeta par terre, accablée, l’œil à terre, les mains autour de ses genoux. Je pris sa cruche et la mis sous la fontaine, et ce fut seulement après qu’elle fut remplie