Page:Leo - Grazia.djvu/170

Cette page n’a pas encore été corrigée

chemin, Chut ! approche-toi de moi, qu’elle ne nous voie pas. Laissons-la passer.

Elle s’accroupit derrière les lentisques, et moi, répugnant à ce manége, dont je ne voyais pas le but, je m’éloignai. La belle fille passa de son pas grave, dans toute la beauté de son buste splendide, et de l’air sombre qu’elle avait toujours, depuis le soir du graminatorgiu. Je la regardais attentivement. Effisedda accourut me rejoindre :

— Est-ce que tu la trouves belle, que tu la regardes tant ?

— Oui.

— Non ! non ! je ne veux pas, moi !

— Et pourquoi ne veux-tu pas que je la trouve belle ?

— Parce qu’elle est méchante.

— On a été méchant envers elle, aussi.

— Qui donc ?

— Pourquoi te le dirais-je, puisque tu n’as pas voulu me dire ce que tu avais à faire avec Raimonda.

— Eh bien ! je te le dirai, mais plus tard ; car il faut maintenant que je me dépêche pour arriver en même temps qu’elle à la fontaine.

— Tu veux lui parler ?

— Je dirai ce qu’on m’a dit.

— Quoi donc ?… Écoute-moi…

Mais déjà, légère comme une chèvre, elle courait, sa cruche sur la tête, à la suite de Raimonda. Curieux de voir ce qui allait se passer, je les suivis.

Cette fontaine de Gurgurigaï, située sur le penchant du ravin, est la plus isolée et de l’accès le plus difficile. Arrivé à la construction qui recouvre le réservoir, il faut la tourner pour descendre par un escalier près des robinets.

Trois autres, femmes, avec Raimonda, étaient dans l’enceinte, et chacune attendait pour emplir sa cruche à son tour. Effisedda, en arrivant, posa la sienne près de celle de Raimonda, et d’une voix assez élevée :

— Bonjour, Raimonda !

La grande fille se retourna, regarda Effi-