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vais déjà vu, une race assez forte et assez belle, qui se différenciait de l’italienne par un teint coloré et une expression plus douce. Quand mes yeux rencontraient les leurs, ils me souriaient avec une simplicité fraternelle ; je n’en vis pas un seul qui n’eût les cheveux et la barbe d’un noir de corbeau. Quant à la chevelure des femmes, rien, hélas ! ne pouvait en faire deviner la couleur, sous la guimpe brune, jaune ou noire, dont elles avaient presque toutes la tête enveloppée. La plupart portaient le justaucorps mi-parti bleu et rouge, à manches ouvertes, pareil à celui des hommes et des petits garçons. Elles semblaient, à côté de Grazia, de vraies paysannes, et la fille me fit comprendre ce titre nobiliaire espagnol, le don, accelé au nom du père, et qui d’abord m’avait fait sourire.

Enfin, la curiosité des gens du quartier parut satisfaite, ou du moins elle voulut bien se suspendre. Peut-être ce fut l’heure du repas qui les écarta, quand la femme et la plus jeune fille de mon hôte servirent la table. Cette petite fille à son tour me regardait, un peu plus à la dérobée que n’avaient fait les voisins, mais avec une paire d’yeux noirs gigantesques. Elle aussi était jolie, et surtout devait le devenir, avec une expression différente et beaucoup plus vive que celle de sa sœur. L’entendant nommer Effisedda, je demandai à Grazia si Effsio était son parrain ?

— Non, me dit-elle en souriant. Oh ! il ne manque pas d’Effisio et d’Effisia par toute la Sardaigne ; c’est à cause du grand saint Effisio, notre patron.

J’avouai ne pas le connaitre ; elle se donna la peine de me raconter son histoire. Saint Effisio, capitale de l’empereur romain en Sardaigne, s’était converti au christianisme par le miracle d’une croix apparue dans les nuages — comme il en paraissait tant en ce temps-là. — Il fut mis aux fars, s’échappa miraculeusement, et fit encore bien d’autres miracles, dont il augmente la liste continuel-